EXPOSITION ENFANCE – Palais de Tokyo

Encore un jour banane pour le poisson-rêve. LPBJ vous emmènent en balade au musée.

Début  juillet, nos pas nous ont porté vers le Palais de Tokyo et son exposition au titre forcément alléchant pour nous : Enfance. Dessins d’enfants revisités par des artistes contemporains ? Introspection nostalgique conceptuelle et internationale ? Regards d’adultes et de spécialistes sur les petites créatures actuelles, future génération X,Y, … Z ? Rien de tout cela ! Suivez le guide… Ou plutôt le visiteur.

Avertissement au lecteur : LPBJ et l’actualité culturelle parisienne

Ces petits billets d’expo ou de visite mis en ligne par LPBJ ne sont nullement un énième résumé redigéré des propos et commentaires sur les expositions que vous trouverez partout sur Internet ou dans les catalogues.

Il nous a simplement semblé intéressant de partager de temps en temps avec vous, nos surprises, nos découvertes. Toujours dans le domaine de l’enfance et de l’esthétique. En un mot, notre expérience de visiteur d’une exposition et nos questionnements que nous espérons féconds. Dans ces billets, nous ne prétendons ni à l’exhaustivité, ni à l’expertise autorisée… lecteurs vous voici prévenus !

N’hésitez pas en revanche à partager votre expérience de visite à votre tour en commentaire de ces articles !

Petrit Halilaj, ABETARE (fluturat) Palais de Tokyo 2018

Enfance, sens de la visite …

Le sous-titre de l’exposition il faut bien l’avouer reste pour nous un mystère. Jeu sur le titre d’une nouvelle de J.D. Salinger, il évoque, en effet, un texte dont nous devons avoir l’honnêteté de reconnaître que nous ne le connaissons pas. Et que nous mettrons cet été à profit pour lire, bien entendu! Il n’éclaire donc en rien pour nous le propos ou l’intention de l’exposition mais reste cependant inspirant. Il m’évoque notamment ces erreurs de lecture et inversions de syllabes ou de mots que nous faisons enfants et qui nous marquent durablement adultes. Quand bien même nous nous sommes depuis longtemps corrigés … J’ai ainsi en mémoire le dos de couvertures de livres jaunies dans la bibliothèque de mes parents que je lisais toujours de travers. Et j’ai encore du mal à dire autre chose à mes enfants que : « prends tes dicaments » !

Ni une exposition sur les enfants, ni sur les adultes en tant qu’anciens enfants. Plutôt une exploration de ces premiers processus mentaux que nous partageons tous.

Deux commissaires, un dramaturge, une vingtaine d’artistes du monde entier avec une dominante d’acteurs issus de la culture japonaise (manifestation Japonisme 2018 oblige) … le propos de cette exposition est foisonnant par sa polyphonie (sans compter les contributions d’artisans d’art). Pourtant, l’ensemble tient par un questionnement tout à faire respecté et fort cohérent : celui des expériences vécues dans l’enfance qui forgent nos identités d’adultes.

Chacune des œuvres illustre un processus mental propre à l’enfance. Réactions de jeunes esprits au monde contemporain qui les entoure. Chaque artiste a retranscrit le produit de ces télescopages souvent faits de mésinterprétation, de surinterprétation ou de non-interprétation. Sans nostalgie ni mièvrerie, le visiteur a rendez-vous avec une mémoire à la fois individuelle et collective, locale et universelle. Des œuvres souvent d’une grande virtuosité technique et des expériences esthétiques fortes de réminiscences en leur présence  …

On en ressort comme rafraîchi, replongé dans un bain de jouvence créative… Solitude et étrangeté, guerre et paix domestiques, jeux d’échelle, matériaux qui respirent ou objets qui s’expriment, sursauts et angoisses sans objet, multiplication des identités et saisie partielle de la réalité. Autant de sensations kaléidoscopiques de l’enfance qui nous sont redonnées à vivre par le regard de l’artiste.

Tomoaki Suzuki, Nous naissons seuls nous sommes seuls…

Quelques œuvres qui m’ont marquée et pourquoi…

Dans ma mémoire de visiteuse, surnage ce Léviathan drapé comme un mannequin Haute Couture sursautant dans l’ombre, ces sucreries inquiétantes et pourtant alléchantes, ces miroirs du ciel d’autres continents au dessus de la Forêt iconique de tous nos comptes universels.

J’ai retrouvé dans le lapin-renard de la première vidéo un écho au célèbre hérisson soviétique tremblant dans le brouillard, questionnant à chaque rencontre : ami ou ennemi ? Je remercie ici le commissaire de l’exposition Yoann Gourmel à qui j’emprunte l’expression de « lapin-renard ».

En tant que sculpteur moi-même, je retiendrai également une aire de jeux qui vous prendra au piège, presque gore. Ces petits êtres si fiers de leur singularité de Tomoaki Suzuki qui ne sont que fourmis qu’on écrase… du reste, attention à ne pas trébucher !

J’ai souri devant ces objets composites improbables de Keita Miyazaki. Enfants comme artistes bricolent leur environnement.

Je n’oublierai pas de sitôt cette salle de classe kosovare communiste de Petrit Halilaj.… une des œuvres les plus évidentes mais aussi, à mon sens, les plus fortes de cette exposition. Ou comment des enfants qui grandissent dans une zone de conflit n’en restent pas moins de leur âge. Ils mêlent les réalités, les mettant sur le même plan, voire, inversent ces plans. On n’est pas loin de la guerre enchantée d’un Miyasaki. Mais presque.

Et enfin, cette maison de poupée d’Amabouz Taturo, hors d’échelle, que vous n’avez pas pu manquer à l’extérieur du musée… Objet de basculement entre les âges de la vie : enfant jouant à l’adulte, adulte conditionnant sa progéniture. Une maison qui sous l’action du soleil et des intempéries terminera l’exposition partiellement détruite … parangon de ces maisons d’enfance que l’on oublie, de ces souvenirs qui s’effacent et dont ne surnagent que quelques odeurs ou quelques bruits.

Creativity is a combination of discipline and childlike spirit.

Robert Greene

Cette exposition, vous l’avez compris, m’a enthousiasmée. Elle fait écho à cette citation de Robert Greene qui m’inspire chaque jour.

Merci de m’avoir suivie et à bientôt pour une nouvelle excursion esthétique et culturelle sur les traces de l’enfance dans le Monde !

Dollhouse, Amabouz Taturo, Palais de Tokyo 2018

Clément Cogitore, The playground, Palais de Tokyo 2018

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