La poupée qui venait du froid

Peut-être avez-vous déjà vu sur une étagère d’une boutique de déco ou de jouets vintage ces petites poupées rouges rétro. Si vous êtes chanceux, vous avez même dans l’oreille le son si cristallin et typique du petit grelot intérieur qui a égayé l’enfance parfois sinon bien grise de nombreux enfants sous l’ère soviétique.

Un incontournable russe

Rondes, souriantes, avec leurs grands yeux bleus couronnés de cils interminables, encapuchonnées dans un duvet cotonneux, ces poupées « nevaliachkas » ou « le jouet qui ne  tombe pas » sont des incontournables de la culture russe populaire.

Sautons dans le train à la grande Gare de Biélorussie à Moscou en direction de Kotovsk, pour découvrir leurs secrets… Et remercions au passage Marie-Charlotte notre maman globe-trotteuse moscovite pour les 25h de train !

Des poupées détonnantes

Saviez-vous qu’à l’origine ces culbutos n’étaient initialement qu’une couverture ! En effet, à Kotovsk se trouvait une grande usine de poudre et de munitions. Même si la moitié des habitants de la ville y travaillait, l’usine était gardée secrète et était appelée « usine de matières plastiques » pour tromper toute tentative d’espionnage.

Or seules quelques femmes étaient employées à la fabrication des nevaliachkas tandis que le reste de la population s’activait à des tâches bien moins enfantines. L’usine secrète a fermé, mais la fabrique de jouets est demeurée active. Avec certains aménagements notamment sécuritaires, ces petites nevaliachkas sont encore fabriquées par les femmes de Kotovsk.

Marie-Charlotte est allée à la rencontre de ces ouvrières.

Voici ce qu’elle nous raconte : « Le temps semble s’être arrêté ici. Les façades décrépies témoignent de l’ancienneté du lieu. Lorsque l’on pousse la porte de l’atelier, on rencontre une vingtaine d’ouvrières, chacune à son poste. Elles nous regardent du coin de l’œil mais ne se laissent pas perturber dans leur travail. Malgré la monotonie évidente de leurs tâches, on remarque qu’elles mettent du cœur à l’ouvrage.

Tout commence par de grandes plaques de PVC colorées. Dans la première pièce de l’atelier, on coupe, on chauffe, on presse… On obtient les boules, plus ou moins grosses, qui formeront le corps, la tête, les bras de nos poupées. Dans la deuxième salle, on assemble, on peint, mais surtout, on insère le célèbre mécanisme intérieur ! C’est ce carillon au son cristallin qui fait la plus grande fierté de nos travailleuses. Conçu ici même, les chinois ont bien essayé de le copier, en vain. Depuis la création de la nevaliachka, on reconnaît cette douce musique bien caractéristique qui plaît tant aux enfants.

La directrice de l’usine nous présente avec fierté la vitrine qui regroupe différents modèles. Au départ, la nevaliachka est rouge, avec une collerette blanche : celle-ci demeure la plus connue et a été baptisée Macha. Mais bien d’autres ont vu le jour depuis. La mode semble être aux animaux : pingouin, chien, coccinelle… Et l’abeille bien sûr ! L’abeille est le symbole de la ville de Kotovsk, aussi réputée pour son miel.

Les femmes de l’usine et les femmes russes en général se comparent facilement à leurs poupées : fières, la tête haute, elles se redressent toujours même après les coups durs de la vie ! … une autre version sous d’autres cieux de la devise de notre chère capitale parisienne en somme : fluctuat nec mergitur…. Un beau conseil de vie pour un enfant, qu’en pensez-vous ?»

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