L’ours en peluche, cette icône de la chambre d’enfant est-il toujours une pièce incontournable ? Et d’abord, comment le choisir ? Et d’où vient cette tradition ?
Du teddy bear symbole de la naissance de l’industrie du jouet…
Difficile de parler de l’ours en peluche, sans évoquer l’épisode fondateur du président Roosevelt épargnant un ourson lors d’une partie de chasse. Caricaturé par un dessinateur célèbre dans le Washington Post (Clifford Berryman), il gagne en popularité et donne l’idée à un industriel de commercialiser un ourson en peluche portant le surnom affectueux du président.
Le succès sera aussitôt au rendez-vous et l’entreprise deviendra l’un des principaux industriels du jouet (Ideal Novelty & Toy Co. aujourd’hui propriété de Mattel). Cette anecdote, fort bien contée par Gilles Brougère, universitaire spécialiste du jouet, permet aussi de souligner le rôle du marketing et des médias dans l’essor de certains jouets et l’émergence de tendances durables. En effet, le Teddy Bear se présente comme une figure douce et rassurante, bien différente de ses ancêtres du XIXe siècle. Les représentations animalières pour l’enfance étaient en effet des objets rigides et réalistes, destinés à être tirés sur des roulettes, décorer une chambre, et produits en séries limitées.
… à l’ours en peluche compagnon de vie
Avec le Teddy Bear, ou avec ses contemporains allemands, les célèbres ours Steiff, la peluche se veut rassurante et familière. Elle est alors un compagnon de jeu, un compagnon pour la nuit. L’ours humanisé devient ainsi une figure protectrice et tranquillisante. Comme dans la célèbre série « Bonne nuit les petits », dans laquelle Nounours et Nicolas sont les projections de l’enfant et de sa peluche.
En France, ce sont notamment les Petites Maries, qui sont l’emblème de l’industrie de la peluche dans les années d’après-guerre. L’entreprise familiale fabrique notamment la marionnette de Nounours (et plus tard celle de Pollux du Manège enchanté).
La peluche, avec son toucher et ses formes arrondies, devient l’objet que l’enfant peut adopter dès le plus jeune âge, et qui revêt pour les parents un aspect positif. La vocation affective de l’ours en peluche le distingue nettement de ses ancêtres en bois et à poils ras du XIXe siècle. L’univers matériel de l’ourson le place d’emblée dans le monde de l’enfant. On touche déjà à la question de l’objet transitionnel.
L’ours comme protecteur pour les Occidentaux
La littérature enfantine viendra rapidement renforcer cette vision affective et positive de l’ours, avec des figures telles que Winnie L’ourson (1926), Plume (1957) ou l’Ours Paddington (1958), Petit Ours Brun (1975)… En Russie en revanche, l’ours est une figure plus ambivalente. Dans les contes populaires comme Macha et l’ours (version originale) ou la Mouffle, l’ours est le personnage méchant. Il est alors celui qui vient rompre l’équilibre (dans la version de Florence Desnouveaux et Cécile Hudrisier notamment).
On est bien plus proche de la nature et de l’ours menaçant qui est au fond du jardin de la datcha, Russie oblige.

… Forme et signification de l’ours (et de la peluche en général)
Dans la culture occidentale, tout au long du XXe siècle, les ours et les peluches en général se font de plus en plus doux et souples, illustrant parfaitement la notion anglo-saxonne de « soft toy ». D’autres animaux sauvages apparaissent rapidement aux côtés de l’ourson, sous des formes tout aussi non naturalistes et réconfortantes. Les peluches ont des tailles et des formats très variables. On peut alors se poser la question de la signification réelle de la peluche et de son destinataire.
Le plus souvent, l’adulte (parent, proche…) offre une peluche avant que l’enfant la réclame, voire dès sa naissance. La peluche est ainsi le compagnon choisi par l’adulte. La douceur formelle de l’ours, de l’éléphant ou de la girafe est-elle alors une projection de l’imaginaire de l’adulte ou un besoin de l’enfant ? On touche là à la question centrale de la construction sociale de la réalité, particulièrement tangible dans l’univers du jouet.
La peluche a-t-elle une fonction décorative, transitionnelle, ludique, ou occupe-t-elle une fonction particulière de par sa forme et sa douceur ? Que signifie également la taille de la peluche ? Un ours miniature est-il juste un petit ours ? Les réponses sont sans doute multiples et différentes selon les époques et les pays, mais c’est au milieu du XXe siècle que la fonction transitionnelle de la peluche a été théorisée , ouvrant même la voie à l’invention récente du terme métonymique de « doudou », aujourd’hui omniprésent. Pour en savoir plus sur les théories de l’objet transitionnel, suivez ce lien.
Une peluche symbole de douceur
Dans un monde de plus en plus virtuel, l’ours en peluche reste sans doute symbole de tendresse et de câlin. Il jette un pont entre réel et imaginaire que l’enfant (et l’enfant qui a grandi) s’attache à franchir en permanence. En ce sens, le nounours reste selon nous un incontournable, même si les peluches ne représentent plus que 3,5 % du marché français du jouet en valeur (source – Xerfi), contre 25 % en 1955 (source – Le Monde) ). Il semble toutefois concurrencé par le doudou, dont le nom même, véritable métonymie, évoque la douceur et le réconfort.
Ours ou lapin ? Ou quand les doudous ont détrôné nounours
Je n’ai pas réussi à dater véritablement la naissance des doudous. Absent de certaines cultures, (cf. Le doudou ça n’existe pas, par Jean-Francois Rabain), l’objet transitionnel à notre époque consistait en des langes, des peluches, mais point de doudou. Aussi loin que mes souvenirs remontent, ni ma sœur ni moi, n’avions de doudous. Mes cousins, nés dans les années 90 non plus. En revanche, dès que mon entourage a commencé à avoir des enfants, j’ai découvert la question du doudou.
Le laver ou pas ? En acheter deux pour limiter les risques de perte ? Ou encore en acheter auprès de distributeurs solides financièrement pour pouvoir le racheter si besoin… choix cornéliens. Mes fils ont également reçu des doudous, beaucoup. Et ont, hasard ou force du marketing, choisi des lapins. Leur forme stylisée se prête ou se fond davantage sans doute que celle de l’ours dans la douceur. Et le lapin, avec ses longues oreilles et ses pattes longilignes présente plus d’aspérités à saisir ou de recoins pour enfouir son petit nez.
Offrir un ours en peluche pour retrouver l’univers de l’enfance
Et si en fin de compte, on achetait un ours, un ours de grande qualité, pour renouer avec les origines de la peluche ? Pour laisser nos enfants jouer, imaginer des histoires avec des animaux, dont le rôle thérapeutique et éducatif est désormais connu. Ou alors pour les laisser appréhender et inventer leurs propres récits autour d’une nature qu’ils connaissent de plus en plus mal. Enfin pour les laisser vagabonder dans le monde des histoires, du récit, de la fantaisie et de la mise en scène qui est le propre de l’enfance, en étant des acteurs et non plus simplement des spectateurs. Pour que nos enfants éprouvent la valeur de l’attachement, de la tendresse, de la complicité, et de la durée, en lieu et place des notions de rivalité, de combat d’obsolescence ou de vitesse qui leur sont proposées chaque jour.
En effet, le très beau livre du photographe Mark Nixon nous prouve que la valeur du doudou croît avec son usure, avec le temps passé à la serrer dans ses bras, à dormir avec. Plus un doudou est décati, plus il nous attendrit et semble précieux … « When everything was unknown, they were there. Where anything could happen, they were there. These repositories of hugs, of fears, of hopes, of tears, of snots and smears ».
En voici pour preuve le portrait de l’ours en peluche d’une des fondatrices des plus Beaux jouets du Monde. Je vous présente Marie-Louise le nounours aux yeux bleus, 37 ans de métier, 60 séances de rapiéçage … d’une des dernières marques de peluches françaises : Les petites Maries.
Quel pied de nez aux valeurs que le marketing tente d’insinuer dans les esprits de nos enfants !
Et si on achetait un ours en peluche pour s’émanciper des logiques de genre qui dominent trop souvent ? Nul besoin de choisir entre le rose et le bleu quand il s’agit d’un nounours. C’est par essence un objet asexué. A chacun alors de choisir entre peluche réaliste et un design plus éloigné du réel

Entre douceur et tradition, nous privilégions le nounours traditionnel
Les formes actuelles, peuvent être très éloignées de l’image traditionnelle de l’animal, voire portent vêtements et accessoires. Les couleurs mêmes de l’ours se sont estompées. Les nounours bruns ou noirs se font plus rares, remplacés par des oursons à la fourrure claire. Beaucoup préfèrent d’ailleurs des peluches stylisées, moins réalistes, plus proches du doudou, mais nounours reste encore universel.
Pour lui conserver sa fonction de compagnon et de jouet, nous préférons un ours plus réaliste, plus structuré. Sans être arctophiles, nous avons envie d’inscrire nos ours en peluche dans une relation de long terme avec nos enfants. Non à l’obsolescence programmée ou au choix dicté par le design en vogue à la naissance de l’enfant. Rappelons ainsi le vieil adage : « la mode c’est ce qui se démode ».
Acheter une peluche géante ?
Et si on s’offrait une peluche géante ? Une peluche XXL ? Un ours gigantesque ? Nous adorons les grandes peluches, celles que nos enfants ont du mal à porter touts seuls. Celles contre lesquelles on se blottit, qui prennent toute la place sur un lit. Celles qu’on assoit sur un fauteuil et qui prend toute la place…
Nous avons choisi de travailler avec les peluches de la Pelucherie, une marque parisienne familiale au sens premier du terme. Natacha et Alexandra, deux trentenaires, ont relancé la boutique de leur grand-mère, dans laquelle elles ont grandi. La marque propose des peluches géantes d’une grande qualité. Un hippopotame géant, ou « gros hippopotame » comme l’appellent nos enfants. Même si son véritable nom est Notre hippo Edgar. Nous avons également craqué pour la panthère noire géante, presque grandeur nature (on a dit presque). Qui nous rappelait tellement Le livre de la jungle… Et pour l’instant, nous avons également eu envie de proposer la girafe immense, aux pattes interminables, clin d’œil aux premières peluches que nous évoquions plus haut. On a dit peluche XXL non ?
Et puis, ces grandes peluches, ces peluches géantes, c’est un cadeau de naissance extraordinaire. Une peluche qui va accompagner l’enfant toute sa vie.
A contrario, on préfère oublier les grandes peluches exhibées sur les stands de fête foraine. Certes, elles font envie aux enfants quand ils passent. Mais dès que l’on s’approche, on s’aperçoit de la piètre qualité de la peluche. Assurément fabriquée en Asie, et dans des conditions sans doute peu amènes.
Si vous souhaitez aller plus loin quelques lectures sur l’ours …
Gilles Brougère, Jouets et compagnie, Stock, 2003
Exposition du Musée des Arts Décoratifs sur les ours
Sur The Teddy Bear project d’Ydessa Hendeles
Sur la marque Steiff
Sur les ours en peluche en général