Comme vous l’avez compris si vous nous suivez sur Instagram, nous sommes allées à Nuremberg la semaine dernière. Bien sûr, nous avons arpenté les allées du célèbre Salon International du jouet. Pour vous, nous nous sommes mises à la recherche, entre les stands des mastodontes internationaux et les pavillons de fabricants chinois, de petites entreprises familiales.
Allait-on trouver encore de tout petits acteurs comme on les aime ? Ces artisans qui s’évertuent à fabriquer de petites séries de jouets traditionnels, dans de belles matières et avec des designs soignés ?
Nous étions optimistes
Pourquoi ? Parce que Nuremberg en Bavière et la région contiguë au nord, la Thuringe sont depuis le Moyen-âge des foyers de création de jouets. Une telle tradition historique ne pouvait pas avoir disparu ! La preuve en était que les agences de voyage proposent encore aux passionnés un circuit touristique de 300 km intitulé la « route des jouets ».
Un musée du jouet témoin de la vitalité de la région depuis le Moyen-Âge
Si le salon est réservé aux professionnels, le musée du jouet de Nuremberg, lui, accueille tout le monde et particulièrement bien les plus jeunes. En effet, il offre à tous les niveaux des espaces de jeu disséminés entre les vitrines. Faisant écho aux jouets historiques présentés. Suivez le guide !
Imaginez le cœur de l’Allemagne en plein Moyen-Âge. La ville est fondée au XIe siècle par l’empereur Henri III le Noir semble-t-il. Elle acquiert très vite le statut de ville impériale où sont conservés les regalia. Nuremberg fait figure de siège non-officiel du Saint-Empire romain germanique.
Entourée d’épaisses forêts, les artisans industrieux de la ville ne tardent pas à mettre à profit cette matière première abondante de qualité pour réaliser de petits bibelots de bois destinés à divertir les enfants. De nombreux artistes et humanistes s’installent à Nuremberg. Le plus connu étant, bien entendu, Albrecht Dürer qui naquit dans cette ville en 1471.
Du travail du bois à celui de métal, les innovations techniques s’enchaînent
Crécelles, toupies, poupées en bois, sont produites en nombre. Emportées par les colporteurs et marchands ambulants, elles traversent les frontières jusqu’en France. La concurrence est rude entre ces produits allemands et les productions des tourneurs de bois de buis du Jura et des tabletiers de Limoges.
Mais il faut reconnaître à la région germanique une ingéniosité et une soif d’innovation technique dont peu de corporations spécialisées françaises font montre. Dans le souci de toujours de plus de réalisme, mais aussi d’accroissement de la production pour répondre à une demande de plus en plus nombreuse et exigeante, les inventions techniques s’enchaînent au fil des ans.

Des jouets pour filles, des jouets pour garçons…
La visite du musée du jouet de Nuremberg est à ce titre très instructive. Malheureusement, et conformément à une pratique que les fouilles archéologiques attestent depuis l’antiquité, la plupart des jouets sont sexués. Destinés soit aux petits garçons, soit aux petites filles. D’un côté on prépare les filles aux soins domestiques, et de l’autre les garçons sont poussés à l’action héroïque hors du foyer. La muséographie est le reflet de cette pratique sociale.
Des soldats pour les garçons
Les vitrines du musée regorgent de pièces exceptionnelles. On découvre notamment les petits soldats d’étain et de plomb coulés dans des moules en creux, puis ébarbés et peints. Avec notamment une scène qui reprend une célèbre bataille antique ayant opposé les Germains aux Romains.
Des maisons de poupées de rêve pour les filles
Du côté des filles, on trouve des maisons de poupées de princesse. Rivalisant de détails et de virtuosité pour reproduire à l’identique le mobilier et les ustensiles de cuisine de l’époque. Imaginez des centaines de pièces rangées soigneusement dans des maquettes de plusieurs mètres de large. De la vaisselle miniature de porcelaine, des plats en cuivre étamés, et bientôt des fourneaux véritables que l’on peut allumer à l’alcool à brûler pour cuisiner en vrai. Ces fourneaux existent encore en Allemagne et seront bientôt représentés dans notre eshop, promis ! On connaît des mamans à qui cela va plaire !
Étonnamment ces maisons sont en excellent état. Il faut dire que, loin d’être des jeux pour le quotidien, on n’autorisait les petites filles à jouer avec ces trésors qu’entre Noël et l’épiphanie. Soit à peine deux semaines par an. Ces jouets fort coûteux étaient autant des cadeaux que des investissements. Mais le musée présente aussi une maison exceptionnelle et émouvante. Elle a été réalisée par un ébéniste de talent pour remercier la famille qui l’avait recueilli dans son enfance, alors qu’il était orphelin

La concurrence comme moteur de l’innovation
Parallèlement à ces pièces uniques d’exception, la production en série s’intensifie, avec des pièces plus modestes. Notamment les poupées. Les recettes pour fabriquer les visages et les membres se suivent et de ne se ressemblent pas : carton-pâte, papier mâché, plâtre, terre ou biscuit de porcelaine. Les fabricants d’alors, mais encore aujourd’hui la célèbre firme Kathe Krüse dont nous vous avons parlé, mettent au point des recettes secrètes. Il s’agit d’être toujours plus vraisemblable que ses concurrents afin de remporter les suffrages des petites mamans.
Les poupées de mode, petits mannequins de femmes adultes parés des plus beaux atours réalisés par les couturières de l’époque font place aux enfants puis aux nourrissons, parfois même animés. Là encore le musée expose des jouets qui font rêver. Est-ce que vous aussi vous relisiez les Petites filles modèle uniquement pour l’énumération du trousseau des poupées … en voici un exemplaire en vitrine.
Mais il faut produire toujours plus et toujours se rapprocher au plus près de la réalité. C’est alors que les jouets en fer-blanc animés font leur apparition. Fondés sur des mécanismes d’horlogerie, ces jouets sont composés de deux coquilles estampées dans des moules puis peints. Ils investissent tous les domaines des activités humaines, rivalisant d’humour et d’inventivité pour créer l’envie chez les petits clients. Animaux de cirque, voitures, avions, aérostats, mais aussi et surtout les fameux trains électriques allemands et les meccanos font leur apparition.

L’essor d’une industrie du jouet puissante, d’envergure internationale
Les conditions de travail sont peu enviables. Nombre de femmes et d’enfants sont mis à contribution à leur domicile. Ils estampent sur des presses à bras de fortune puis peignent ces petites figurines. A côté de ce travail encore artisanal, de grandes firmes voient le jour, telles notamment Trix et Marklin. Ces entreprises existent encore aujourd’hui et nous aurons bientôt la joie de pouvoir vous proposer quelques modèles de trains électriques contemporains. A cette époque, avec l’industrialisation, les barrières des dernières corporations tombent.
Vient ensuite une sombre période de récupération par le régime, puis une période de dénuement total, dont certaines vitrines fort émouvantes témoignent. Au sortir de la guerre, le fer-blanc cède la place au tout plastique. Ce sont les maquettes Schuko.
Puis, le lancement d’abord timide des Playmobils, produits à 30 km à peine de Nuremberg. Avant-guerre, les professionnels du secteur se retrouvaient en salon à Leipzig dans le cadre de la Foire du Printemps. Au sortir de la guerre, la ville est passée en RDA et devient difficilement accessible. C’est en 1950 que les fabricants ouest-allemands, une fois leur outil de production reconstruit, décident de créer une nouvelle foire à Nuremberg. La première édition regroupe 46 entreprises. Une coopérative chargée d’organiser annuellement le salon se crée. Elle existe encore.

Le salon du jouet de Nuremberg en 2019
Il est intéressant de constater combien le Salon du jouet même en 2019 reste le reflet de cette histoire. Près de 3000 exposants se pressent désormais dans les 12 halls d’exposition. Un million de références et environ 70000 nouveautés chaque année sont présentées. Grossistes, acheteurs, détaillants, journalistes… et blogueurs ! sillonnent les allées.
Le salon de tous les superlatifs
Si les grands groupes industriels se terrent dans leurs stands avec accès sécurisé et sur rendez-vous, nombre de tout petits exposants sont présents. Venir au salon représente un effort financier conséquent pour ces derniers mais chacun tente sa chance. Chacun croit en ses produits. Chacun espère signer un nombre suffisamment important de contrats pour rembourser le stand et les frais connexes. Ce sont tous des passionnés.
Polonais, tchèques, allemands, italiens, portugais, espagnols, on croise plus de 60 nationalités. Classés par type de jouets, il faut avouer que certains halls nous ont fort peu attirées. Ainsi les jeux d’extérieurs, encore tout plastique pour la plupart . Ou les articles de fêtes qui font la part belle aux matériaux jetables les plus tristes.
Mais jouets de bois et articles pour bébés occupent deux halls entiers, une véritable mine d’or ! Le modélisme est une véritable spécificité du salon, plus de 50 exposants présentent leurs produits dans ce domaine : maquettes d’avion, de bateau de voiture, et bien sûr des trains miniatures. Tout un hall était également dédié aux robots et autres jouets numériques cette année.
Un sésame convoité, le prix du salon du jouet
Chaque année des prix sont décernés par catégorie d’âge. Les lauréats et nominés récompensés par le jury de professionnels de l’édition 2019 sont présentés sur ce site.
Certes, la Chine a depuis longtemps détrôné l’Allemagne quant au volume. Le salon du jouet de Hong Kong a tendance à croître fortement. Mais seule l’Allemagne garde ce lien si serré et authentique avec ses racines et son histoire. Le tout mercantile n’a pas encore totalement gagné. Il nous reste nombre de petits ateliers à visiter dans la région environnante.
Bref, nous reviendrons !!